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ERIC DABANCOURT

LE TISSERAND DE LIENS

On dit souvent que la vie ne tient qu’à un fil mais Eric Dabancourt nous montre qu’il en existe bien plus qui nous ancrent à la vie.

Non…

Il n’est pas si facile de mourir.

Et il est encore bien plus difficile de vivre et de reconnaître ce qui nous anime.

 

Avec patience, Eric Dabancourt dessine des destinées qui révèlent des visions auxquelles nous n’osons rêver que dans nos solitudes. Il nous rappelle que le rythme de nos pulsations, si primales qu’elles en sont presque autonomes, n’est en fait, qu’en allégeance à nos désirs et qu’il suffit de commencer par les écouter. Par les écrire en autant de vers que de soupirs…

 

Chacune de ses œuvres commencent par un point. Une première tâche. Un premier baiser au papier, timide et désirant, déposé par les lèvres laquées noires de la plume.

LA LIGNE S’ETIRE, SE REFUSE, ESQUIVE LES INVITATIONS, IMPROVISE DES SEDUCTIONS.

Elle se courbe et se cambre, laissant apparaître une peau nue, comme évadée d’un chemisier sur laquelle elle s’empresse de courir à nouveau pour attiser une nouvelle sensation. Elle s’enroule autour d’une intimité si bouleversante qu’elle en fait gémir le papier. La ligne, par essence, infinie, s’arrête parfois. Épuisée. Satisfaite.  Pleine et entière, elle goutte au plaisir du silence immaculé de la feuille. Elle reprendra sa quête autant de fois que le désir la guidera. Chaque première ligne est comme une première fois. Un nouveau jour dans une histoire d’amour…

Inédit et convoité.

 

À chaque nouvelle feuille, la caresse de l’encre se réinvente sur l’écorce de cellulose. La passion s’invite et de temps à autre, la plume plante ses griffes. Le papier s’égratigne… Il est vrai que l’Amour est chose fragile et qu’il faut en prendre soin.

Les lignes se touchent et se séparent pour écrire l’histoire du Monde. Les petits bonheurs, les tragédies, les silences, les jouissances. Les espérances… Elles se partagent l’espace, s’échangent et se soutiennent. Ensemble, elles vivent, dansent, se fanent et renaissent. Ailleurs.

 

S’il aime à travailler seul dans son atelier, Eric Dabancourt reste un amoureux transi de la Rencontre. Ce moment où l’autre couche son trait et ouvre une perspective inimaginée jusqu’alors… Ce temps de création où un trait nouveau transperce la virginité de l’œuvre pour la faire sienne. Une valse à quatre mains qui n’a de quatre que lorsque l’œuvre s’achève ; car elle n’est, en réalité, qu’une conversation silencieuse entre deux solitudes qui se répondent. Les lignes profanes font frissonner celles qui dorment déjà. Les couleurs, les broderies réveillent les blancs qui sommeillent et révèlent des chairs inexplorées…

 

Un tourbillon de traces en tête-à-tête les unes avec les autres, un corps à corps imaginaire aussi intense qu’une lettre d’amour. Il faudra parfois attendre plusieurs mois avant le point final car la prise de risque est grande. L’aventure est fragile.

Un faux pas et l’étreinte est brisée…

En Art comme en Amour, chaque geste compte. Qu’il soit volontaire ou improvisé, ce qui compte c’est la résonnance qu’il dégage… C’est pour cela qu’il faut prendre son temps, entendre les vibrations. Regarder les pleins et les silences. Combler les chagrins. Réchauffer l’émoi. Il faut prendre le temps de se manquer pour que la caresse soit juste. À sa place. Évidente.

 

Une chorégraphie qui ressemble aux premières étreintes. Tremblantes mais affamées, exquises et vives, à jamais gravées…

 

Qu’il soit accompagné ou en solitaire, Eric Dabancourt nous offre une sensibilité que peu d’hommes partagent en ce monde. Une clairvoyance pénétrante qui crève l’obscurantisme contemporain pour nous rappeler que la vie est une histoire d’amour entre soi et le monde ; et qu’il est temps de se reconnaître et de tomber les armes. Tomber les masques.  À travers son œuvre, Eric Dabancourt ne nous laisse plus le choix de l’aveuglement et nous ouvre la voie de la rencontre car elle nous révèle autant qu’elle nous enrichit.

 

Nous ne sommes que des marionnettes animées par des fils d’amour.

Rien ne bouge sans désir. Rien ne s’écarte sans horizon. Rien ne vibre sans mouvement.

 

Ne vivez pas pour rien.

Soyez vivants…

 

Adèle Sinigre.